La vereda de enfrente
(Le trottoir d’en face)
de Antonin Alloggio | 52 minutes / PAL DV | VOST français – argentin.
avec Miguel Ángel Alloggio, Roberto Cedrón, Manuel Cedrón, Pablo Nuñez, Greta Risa.
J’ai toujours eu pour l’Argentine un intérêt très personnel, lié à la construction de l’identité, puisque mon père est né à Buenos Aires. Et pas moi. Je suis né après qu’il soit arrivé en France en 1980, exilé à cause de la dictature militaire qui a massacré le pays. En me racontant Buenos Aires comme on raconte des histoires aux enfants, il m’a transmis une sorte de nostalgie pour cette ville. J’ai des souvenirs que je n’ai pas vécus, comme une mémoire héréditaire.
En juillet 2009, à 20 ans, j’ai traversé l’Atlantique pour atterrir une première fois à l’aéroport d’Ezeiza, à quelques kilomètres de Buenos Aires. J’allais enfin voir cette ville de mes propres yeux, l’écouter et en faire l’expérience par moi-même. Je l’ai vue vivre et, en la parcourant, en causant avec les gens, je me suis senti appartenir à un groupe, je me suis senti Argentin. Je suis fier de ses beautés et j’ai honte devant sa décadence. Cette ville insaisissable continue de m’intriguer, entre fascination et habitude.
Pour essayer d’exprimer mon état d’esprit vis-à-vis de cette ville et de cette situation qui consiste à être à moitié Argentin sans jamais y avoir vécu, j’ai décidé de filmer. Beaucoup des images ont été faites en 2009 et ce n’est qu’en 2012 que le film voit le jour. J’ai multiplié les rencontres avant de me focaliser sur trois paires de personnages. Il y a d’abord mon père Miguel et moi. Mais aussi Roberto et son fils Manuel, ainsi que Pablo et sa mère Greta. Entre Buenos Aires que nous explorons, Douarnenez où Roberto peint des bateaux en se hissant sur la pointe des pieds pour essayer d’entrevoir la capitale argentine, Lyon où Miguel travaille comme tapissier-décorateur, Rennes où j’habite et monte ces images, le film voyage. Ces six histoires d’exil à la fois tristes et heureuses sont celles de funambules ne sachant pas de quel côté pencher. De part et d’autre de l’océan Atlantique, c’est aussi un portrait de la ville qui tâche de s’esquisser.